samedi 31 mai 2008



A paraître le 20 juin 2008

Ouvrage collectif coordonné par Claude Coulon et Florence March


Théâtre anglophone. De Shakespeare à Sarah Kane : l’envers du décor
Éditeur : L’entretemps


La problématique de « l’envers du décor » invite à explorer le domaine théâtral sous un angle original, insolite, voire subversif. Traquer l’envers du décor, c’est prendre le théâtre à rebours, démonter de l’intérieur les mécanismes spécifiques au texte et à sa représentation, dans un processus de déconstruction qui, poussé à l’extrême, aboutit parfois à une crise de la représentation. C’est aussi confronter le texte aux réécritures dramatiques et scéniques qu’il inspire, dans une mise en perspective qui en renouvelle le sens. C’est encore prendre en compte le contexte socio-culturel et politique qui conditionne la production théâtrale, analyser la manière dont les problématiques sociales informent la création artistique ou, à l’inverse, s’interroger sur la place du théâtre dans la société. Les études réunies dans ce volume croisent les approches dramaturgiques et scéniques, littéraires et civilisationnistes, balayant le champ du théâtre anglophone selon une double logique, historique et thématique. De la Renaissance shakespearienne et des Lumières au nouveau théâtre anglais et au théâtre américain du XXe siècle, les auteurs passent en revue une vaste chronologie et des domaines culturels diversifiés, entre lesquels se tissent toute une série de correspondances. Ce cheminement collectif ne conduit pas seulement à contribuer à un état des lieux du théâtre anglophone à un instant t. Il participe à renouveler le questionnement sur le théâtre, à la fois genre littéraire et art du spectacle, le rapport qu’il entretient avec l’individu et/ou la société, la place du spectateur.

Coordination : Claude Coulon et Florence March.

Comité scientifique : Madelena Gonzalez, Jean-Marie Maguin, Jean-Pierre Simard, Claude Coulon et Florence March.

Contributions de Liliane Campos, Claude Coulon, Samuel Cuisinier-Delorme, Pascale Drouet, Anne Étienne, Brigitte Gabbaï, Carole Guidicelli, Jeffrey Hopes, Céline Jalliffier, Liza Kharoubi, Christine Khiel, Xavier Lemoine, Éléonore Obis, Jean-Marc Peiffer, Nathalie Rivère de Carles et Estelle Rivier.

ISBN : 978-2-912877-77-2 / Collection Champ théâtral
Domaine : Arts et spectacles / Genre : Actes de colloques
Format : 15 x 21 cm, 256 pages
Prix public : 25 euros TTC
Parution : Juin 2008, à paraître

Pour plus de détail (table des matières et notes sur les contributeurs) : http://www.lekti-ecriture.com/editeurs/Theatre-anglophone.html

vendredi 9 mai 2008



La spectatrice au pied du mur

« Moi, Richard, je renonce à l’image »
Philippe Malone, III (2007)

Au détour d’un café au « Chérie » de Belleville, entre le roi des slammers et son gros clebs noir au collier clouté trônant majestueusement sur un fauteuil club éventré, Philippe Malone (auteur, entre autres, de Pasarán, Titsa, L’Extraordinaire tranquillité des choses, Morituri, L’Entretien, III) m’a raconté une belle histoire. Belle et cruelle à la fois. Une histoire qu’il a puisée dans le quotidien de ce quartier de la capitale auquel il voue une véritable passion, tout comme son voisin Daniel Pennac. Une histoire qui s’est glissée naturellement dans notre conversation de théâtreux.

Il était une fois une vieille dame qui faisait la manche dans la station de métro de Belleville. Elle était là tous les jours, assise au même endroit exactement, au pied du même mur, silencieuse et immobile, la main tendue. Les gens la frôlaient sans s’arrêter, sans la voir. Ils passaient et repassaient, elle restait. Invisible, elle était pourtant là, à regarder la comédie humaine qui se jouait en sous-terrain, inlassable témoin des entrées et sorties des habitués comme des voyageurs occasionnels ou égarés, de la routine comme des incidents de parcours et micro-drames impromptus.


Un jour, elle n’a plus été là. Son absence dessinait en creux une forme blanche sur le mur souillé de pisse et de crasse auquel elle s’était si longtemps adossée, un clair-obscur insolite dans ce théâtre d’ombres improvisé. Et les gens de s’arrêter désormais pour contempler cette lumineuse métaphore du vide, cette transfiguration du banal.


La scène du métro s’est ainsi subitement retrouvée orpheline, en deuil d’un regard rassurant parce que structurant. Spectatrice marginale, la vieille dame faisait fonction de miroir, renvoyant obliquement aux passants leur propre reflet. Dans ses yeux, ils lisaient, plus que la détresse, la confirmation qu’ils étaient encore dans le coup, dans l’action, bref, du bon côté de la vie.

Par-delà la rupture de cette parodie de contrat de spectacle, c’est le contrat social qui se trouve ébranlé. La disparition de la vieille dame consacre l’effondrement du « quatrième mur », forçant la rencontre entre le monde réel et celui de l’illusion. Qui de ces voyageurs en transit se trouvera demain au pied du mur ? Pour ces passants à la dérive, brutalement confrontés à leur propre disparition, quelle est la prochaine station après Belleville ? C’est ce qu’ils tentent de lire, impuissants, dans l’empreinte anonyme, testament d’humanité.

photo unjouraparis.com

Depuis, dans les textes de Philippe Malone, il arrive souvent que des personnages perdent leur ombre…